Mont Royal : 20 ans de protection, de concertation et des défis pour l’avenir
Il y a vingt ans, le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal ont pris des mesures déterminantes pour reconnaître et protéger le mont Royal, symbole de la métropole et du Québec. Le 9 mars 2005, un décret gouvernemental lui accordait le statut d’« arrondissement historique et naturel », devenu « site patrimonial déclaré » en 2011. Le lendemain, Montréal instaurait la Table de concertation du Mont-Royal (TCMR) afin de rassembler les acteurs municipaux, institutionnels et associatifs autour de cet enjeu.
Obtenu grâce aux revendications constantes de nos organismes, appuyées par la population, ce statut a éveillé les consciences et encouragé la responsabilité collective face à la conservation du mont Royal. Le ministère de la Culture ainsi que les villes de Montréal et Westmount ont encadré les interventions sur son territoire afin de préserver ses valeurs patrimoniales. Plusieurs études ont été menées : inventaires, diagnostics arboricoles, analyses de fréquentation et d’accessibilité, contribuant à une meilleure compréhension du site.
Avec l’appui de la TCMR, les pouvoirs publics ont adopté des plans structurants, notamment le Plan de protection et de mise en valeur du Mont-Royal (Ville de Montréal 2009) et le Plan de conservation du site patrimonial du Mont-Royal (ministère de la Culture 2018). Ce cadre a incité les institutions présentes sur la montagne à adopter des plans directeurs conciliant leur mission et la préservation de la montagne. De nombreuses initiatives, telles que la requalification de sites patrimoniaux et la mise en place d’une gestion écologique concertée, ont enrichi la connaissance et la gestion du site.
En plus de ces avancées, ce statut privilégié du mont Royal a favorisé plusieurs réalisations concrètes, notamment la création de nouveaux parcs et d’un parcours paysager, fruit d’une collaboration entre la Ville, les grands cimetières et l’Université de Montréal, reliant, via le sommet d’Outremont, divers secteurs du territoire. Parmi les actions marquantes figurent également la réorganisation des échangeurs Parc– Pins et Côte-des-Neiges–Remembrance, la réfection de l’entrée Peel, ainsi que l’acquisition municipale du couvent des Hospitalières de Saint-Joseph et de ses vergers.
Ces vingt années ont toutefois été marquées par des controverses. Certains projets, comme ceux d’agrandir l’Hôpital général de Montréal sur Cedar, la transformation du couvent d’Outremont ou de l’ancien Séminaire de philosophie, ont suscité de vives inquiétudes. La fermeture annoncée de la voie Camillien-Houde a divisé l’opinion publique. La prolifération de l’agrile du frêne et l’abandon de certains bâtiments patrimoniaux ont nécessité des interventions urgentes. La pression immobilière et la densification menacent l’équilibre du paysage montréalais et la prédominance du mont Royal.
En 2025, le site patrimonial du Mont-Royal fait face à d’importants défis. L’avenir de plusieurs ensembles institutionnels, dont celui de l’Hôtel-Dieu, reste incertain, Si l’ancien hôpital Royal Victoria est en requalification, notamment avec l’université McGill, le projet d’y implanter une cité interuniversitaire n’est pas confirmé. L’augmentation du nombre de visiteurs et l’intensification d’activités comme le vélo de montagne fragilisent l’écosystème. Aussi, les changements climatiques affectent tant le patrimoine naturel que bâti. L’inscription du mont Royal à la liste indicative des sites du patrimoine mondial au Canada reste inachevée., Le projet de paysage humanisé des Montérégiennes, incluant le mont Royal et visant à mieux préserver la biodiversité, progresse quant à lui positivement.
La gouvernance du site patrimonial est aussi préoccupante. La présidence de la TCMR est vacante et le Bureau du Mont-Royal, autrefois rattaché à la mairie, est désormais intégré au service des grands parcs avec des ressources et un soutien politique limités. Enfin, il faut rappeler que le mont Royal est bien plus qu’un parc. Il s’agit d’un repère historique et territorial fondamental pour Montréal et le Québec. Paysage emblématique au cœur d’un tissu urbain dense, sa biodiversité exceptionnelle et son patrimoine architectural sont vitaux à l’identité et à la qualité de vie montréalaise.
Après les décisions majeures prises il y a déjà vingt ans, il est aujourd’hui impératif de renforcer la protection, d’améliorer la concertation et d’assurer un soutien pérenne à la conservation du mont Royal. Le 20e anniversaire du classement, combiné à la révision envisagée du Plan de protection et de mise en valeur, offre une occasion précieuse d’agir pour ce site exceptionnel. Il est de notre responsabilité collective de préserver ce patrimoine pour les générations futures.
Julie Laurence, Présidente, Les amis de la montagne Robert Y. Girard, Président, Héritage Montréal